Cher Monsieur,

   Hier, je suis allée à la librairie Brüsel. J'y ai acheté le film "le Dossier B".  Je l'ai visionné. Intrigant.

   Je me pose autant de questions après l'avoir vu qu'avant, si ce n'est plus. Je puis vous affirmer que jamais je ne me serais intéressée à Brüsel si ma maman n'avait pas été victime de ce que j'appelle une distorsion spatio-temporelle, dans le Palais de Justice de Bruxelles.

   Je vous explique brièvement l'histoire:

   Ce jour là, ma mère s'était rendue au Palais de Justice pour connaître le jugement d'une affaire la concernant. Elle y avait déjà été plusieurs fois, accompagnée de son assistante sociale. Mais cette fois, elle s'y était rendue seule, l'assistante étant souffrante.

   Comme d'habitude, elle se dirige dans le hall des pas perdus (quel nom bizarre!). Elle connaît son chemin, elle prend le couloir "à gauche", puis "celui de droite". Elle trouve bizarre de ne pas voir de numéros sur les portes, ni les fenêtres "sur le côté droit", ni les bancs sur lesquels elle a l'habitude de s'asseoir pour fumer une cigarette... Elle longe ce couloir, et ne voit pas de numéros sur les portes. Arrivée au milieu du couloir, et se disant qu'elle ne reconnaît rien, elle décide de faire demi-tour pour retourner à la salle des pas perdus et demander son chemin. A ce moment-là, elle constate qu'elle voit exactement la même chose, derrière comme devant elle... Elle fait quand même demi-tour et parvient à retourner dans le hall. Elle demande la salle où elle doit se rendre en mentionnant le numéro, et une employée lui dit que ce numéro n'existe pas! Ma mère a beau lui dire que c'est toujours à ce numéro qu'elle s'est rendue dans le passé, cette femme lui dit que ce numéro n'existe pas. Ma mère n'insiste pas, se disant qu'elle a à faire à une nouvelle employée.

   Elle retourne donc dans le même couloir. Pas de portes numérotées, pas de fenêtres, pas de bancs. Elle longe le couloir, se disant qu'elle trouvera  bien son chemin... Elle prend différents autres couloirs, sans jamais ni descendre ni monter (important détail pour la suite).

   Elle croise des gens qui ne lui prêtent pas attention, et continue à déambuler dans les couloirs. C'est alors qu'elle voit un hôpital. Elle se dit qu'il doit y avoir pas mal de gens malades "ici" pour qu'il y ait un hôpital. Elle voit des infirmières habillées d'une robe bleue, d'un tablier blanc "croisé derrière", et coiffées d'un petit voile blanc. Elle ne trouve rien de spécial à cela, et continue son chemin...

   Elle passe devant  un restaurant. Elle se poste à l'entrée, et regarde à l'intérieur. Ce restaurant est très beau, et détonne avec la laideur des interminables couloirs habituels du Palais de Justice. Il y a des personnes à l'intérieur qui la regardent d'un oeil suspicieux. Personne ne lui adresse la parole. Dans le restaurant, il y a des grandes baies vitrées, par lesquelles ma mère voit le ciel bleu, sans nuage. Pourtant, ce jour-là, il pleuvait des cordes à Bruxelles...

   Elle reprend son chemin, commençant à se demander si elle ne risque pas d'être en retard pour le jugement même si elle était arrivée à l'avance. Elle cherche toujours à retrouver son chemin, mais elle ne voit plus la salle des pas perdus. C'est à ce moment qu'elle commence à paniquer... Elle se demande comment  il est possible de se perdre, alors qu'elle s'est déjà rendue plusieurs fois avec son assistante sociale dans ce bâtiment... Elle ne voit plus personne dans les couloirs, et commence à ouvrir toutes les portes qu'elle rencontre. Chaque porte donne sur de grandes pièces vides. Ni mobilier, ni âme qui vive!

   Son angoisse grandit au fur et à mesure de ses pas... Elle voit alors un escalier "très sale, très vieux, avec des toiles d'araignées". Elle se dit que, peut-être, elle trouverait en haut quelqu'un pour l'aider. A ce moment elle voit des personnes passer, mais elles ont l'air de ne pas la voir. Elle monte ce petit escalier, se trouve sur le "palier", et s'apprête à monter la deuxième rampe lorsqu'elle revoit, en haut, les mêmes personnes!!! Elle se dit qu'elle doit être folle, qu'elle a mal vu. Elle regarde en bas des escaliers, puis très vite en haut des escaliers. La vue et les personnes sont les mêmes...

   C'est à ce moment précis que ma mère a cru qu'elle ferait une attaque cardiaque. Tremblotante, ne sachant plus parler, sachant encore à peine déglutir, elle a redescendu les quelques marches de cet escalier, et a vu un ascenseur, juste à côté des escaliers. Elle s'est dit qu'elle était de toute façon perdue et qu'elle n'avait donc plus rien à perdre. Elle est entrée dans l'ascenseur (aussi vieux et sale que l'escalier), a appuyé sur le bouton indiquant un   "0", croyant qu'elle ne bougerait pas, vu qu'elle n'avait pas quitté le rez-de-chaussée, et l'ascenseur s'est mis à monter de deux ou trois étages!

   En sortant de l'ascenseur, elle a vu un homme et lui a demandé la salle des pas perdus. Celui-ci la lui a indiqué à à peine deux pas de là...

   Elle est retournée voir l'employée, a essayé de lui demander si elle pouvait parler à son avocate. Celle-ci lui a annoncé que le jugement était fini depuis longtemps. L'avocate était déjà rentrée chez elle...

   Voilà, à peu près, l'histoire vécue par ma maman.

   J'ai dû lui demander de me la raconter à nouveau, il y a deux jours, car des détails m'avaient échappés. Tandis qu'elle évoquait cette histoire, ses émotions étaient exacerbées... Jamais je n'ai vu ma mère dans cet état, jamais. Et Dieu sait si elle n'est pas facilement impressionnable...

 

Bien à vous

Katty Van Laecken

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